Enigme 148 – Le domaine de vol des oiseaux…
Enigme 148 – Le domaine de vol des oiseaux…
La nature est bien faite et c'est tant mieux sinon, avec un décrochage possible, les oiseaux se tueraient tous et finiraient par disparaître.
Et aussi surprenant que cela va vous sembler, les avions ne décrochent pas en fait, jamais non plus, sauf dans 2 cas très particuliers. Ce qui est contraire à ce qu'on dit habituellement, et ce terme est très mal utilisé en matière d'instruction au pilotage.
Cas général des avions…
Quand on laisse un avion ralentir en vol jusqu'au décrochage, sa portance diminue rapidement au point que, à une vitesse précise, il va s'enfoncer vers le sol en piquant du nez (et déjà, le stall indicator a sonné dans le cockpit !).
En fait, sur le plan aérodynamique pur, cette vue de l'esprit est totalement fausse.
En effet, lorsqu'un avion "décroche", ce n'est pas le nez de l'appareil qui plonge mais sa queue qui se relève (en faisant simple). L'appareil s'enfonce bien du fait de la diminution de portance de ses ailes mais c'est uniquement le plan arrière de profondeur qui lui, "décroche" vraiment et brutalement. Et sur le plan arrière de profondeur, la portance n'est pas appliquée au-dessus de « cette petite aile arrière» mais en dessous ! C'est en quelque sorte une « déportance ». C'est donc tout le contraire de ce qui se passe sur les ailes principales (portance appliquée au-dessus). Il en est ainsi de tous les avions sauf sur les formules dites « canard » et ailes Delta.
Mais revenons au cas général.
Quand on ralentit la vitesse en vol, la déportance du plan (ou gouverne) de profondeur va donc diminuer rapidement au point de disparaître et rompre ainsi l'équilibre des forces appliquées au foyer de portance (point d'application des variations de la résultante aérodynamique globale). Ce déséquilibre va faire la queue se soulever en même temps que l'appareil s'enfoncera dans l'air…/ …Celui-ci va immédiatement piquer du nez et donc aussitôt reprendre de la vitesse. Vitesse qui va de suite re-alimenter la gouverne de profondeur, qui va donc rétablir sa déportance pour "raccrocher" à nouveau et permettre au vol de revenir vers l'horizontal. C'est ce phénomène très particulier qui est à l'origine du « buffeting ». Vibrations (intenses parfois) et bien ressenties au manche à balais par les pilotes lors du « décrochage ». Cela est uniquement dû à la série de "décrochage - raccrochage" du plan de profondeur. Si on laisse faire en vol un avion ainsi en "décrochage", il va se mettre à faire des séries d'abattées, sorte de courbes à descendre suivies de remontées successives (comme la courbe d'un tremplin de saut à ski), ceci jusqu'au sol où ce sera le crash. Crash qui sera fonction du moment exact où il heurtera le sol dans la série de ses abatées de « décrochages successifs ». Il pourrait tout aussi bien se poser sans casse, mais il faudrait un hasard inouï pour qu'il touche le sol au parfait moment de l'arrondi de la fin d'une de ces abattées (assiette positive et vitesse faible).
Quels sont donc les deux cas, où un avion pourra vraiment décrocher ?
En tout premier, durant une vrille.
Ce cas est malheureusement à l'origine de nombreux accidents. En effet, si vous ralentissez la vitesse de l'appareil au point d'atteindre sa vitesse minima de sustentation et que, en plus, vous engagez une dissymétrie de vol très importante (palonniers à fond d'un côté ou l'autre, en butée)… Eh bien là, vous allez avoir une aile (celle dans l'intérieur du virage, consécutif aux palonniers à fond) qui va se trouver masqué par la dissymétrie induite du vol et qui, elle va réellement décrocher. Cette aile va donc brusquement perdre toute portance et c'est ce basculement de l'avion vers ce côté qui va déclencher la vrille. L'autre aile, extérieure au virage, étant toujours « accrochée » avec de la portance, restera haute. Ce qui explique la figure que va suivre un avion partant en vrille. Il part dans un virage très serré à piquer, "en vrille", presque à la verticale et là, il faut agir très vite pour sortir de cette figure dangereuse. Dans un premier temps, il suffit de ramener les palonniers au centre pour sortir « du virage engagé en vrille », puis ensuite sortir de l'abattée en ramenant le nez de l'appareil progressivement vers l'horizontal. Cette figure que l'on démontre en instruction est toujours angoissante pour les élèves. Cela fait partie de l'exploration du domaine de vol des aéronefs et il est indispensable de bien comprendre surtout, les raisons techniques d'un tel engagement en vrille.
Deuxième cas mais il ne se produit jamais (ne devrait)…
En effet, le second cas est la vrille à plat.
Dans ce cas improbable, ce sont les deux ailes qui sont réellement décrochées et là, malheureusement il n'y a plus rien à faire car nous autres pilotes, n'avons pas les possibilités de correction de voilure qu'ont les oiseaux.
Cette figure de vrille à plat est très difficile à engager, pratiquement impossible. C'est d'ailleurs une des raisons majeures permettant l'obtention d'un CDN (Certificat De Navigabilité) d'un nouvel avion. Tout simplement : il ne doit pas être possible de le mettre en vrille à plat. Si c'était le cas, pas de CDN possible. Un cas d'école malheureux, est bien connu en France avec l'Orion et son concepteur, Jean Grinvalds, pilote très expérimenté qui se tua lors d'essais en vol, engagé dans une vrille à plat (avril 1985).
NB : dernier cas possible et très particulier de décrochage pour citation…
C'est le décrochage aérodynamique. Celui-ci est dû à un dépassement du facteur de charge (G) à très grande vitesse (ce cas est rare, car on dépasse l'enveloppe du domaine de vol – VNE et/ou les limites de certification en G+ ou G-…/…).
Et les oiseaux alors, pour revenir à l'énigme… ?
Eh bien les oiseaux ont des outils merveilleux que nos avions n'ont pas : ils ont des empennages à géométrie variable. C'est là toute l'astuce des oiseaux qui peuvent modifier en permanence, en fonction de leur vitesse et de leurs trajectoires, leur surface portante et la symétrie du vol. La nature les a dotés de cette possibilité leur autorisant en permanence d'ajuster leur configuration à leur vol. Chose que bien sûr, nous ne faisons que « petitement et partiellement» avec nos volets de courbure, nos becs hypersustentateurs ou encore nos aérofreins. Mais tous ces appendices sont de bien faibles aides sur nos aéronefs, eu égard de leur voilure variable à tous ces oiseaux, ajustable en temps réel et sur toutes leurs surfaces portantes. Ce qui n'est pas le cas des avions.
Les oiseaux ne peuvent donc jamais décrocher en vol.
Les regarder vivre est un plaisir immense dont on ne se lasse jamais.
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